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    Droit immobilier

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     Crédit dessin: Michel Szlazak

    En raison de l’évolution de l'épidémie de Covid-19, une ordonnance parue au Journal Officiel le 19 novembre 2020 prolonge les dispositions permettant la tenue d'assemblées générales de copropriété à distance jusqu'au 1er avril 2021. Les contrats des syndics et les mandats des conseils syndicaux expirant avant le 31 décembre 2020 bénéficient quant à eux d'une prorogation automatique.

    Ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux copropriétés

    Les articles 22 et suivants de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux contrats de syndic de copropriété ont permis la tenue d'assemblées générales totalement dématérialisées, la prise de décisions du syndicat des copropriétaires par le mode exclusif du vote par correspondance, et le renouvellement automatique des mandats des organes de la copropriété expirés durant la première période de confinement.

    Ces mesures, mises en place depuis le 1er juin 2020, ne sont applicables que jusqu’au 31 janvier 2021. Toutefois, compte tenu des conditions sanitaires actuelles et la poursuite de l'état d'urgence sanitaire, l’ordonnance n°2020-1400 du 18 novembre 2020 vient prolonger ces dispositions en y apportant quelques aménagements.

    1. Les assemblées générales à distance

    Compte tenu des interdictions de regroupement consécutives à la pandémie de Covid-19, les copropriétés se sont trouvées dans l'impossibilité matérielle de tenir des assemblées générales dans des conditions normales.

    Ainsi, les assemblées générales ne pouvant pas se tenir en présentiel peuvent se tenir par visioconférence, par tout autre moyen de communication électronique permettant l'identification des copropriétaires et par vote par correspondance jusqu'au 1er avril 2021.

    Dans les cas où le recours à la visioconférence n'est pas possible, les décisions du syndic peuvent être prises au seul moyen du vote par correspondance. Un modèle de formulaire de vote par correspondance a été publié le 3 juillet 2020 (cf. Arrêté du 2 juillet 2020 fixant le modèle de formulaire de vote par correspondance aux assemblées générales de copropriétaires).

    Pour toute assemblée déjà convoquée entre le 29 octobre 2020 et le 4 décembre 2020, le syndic doit informer à tout moment les copropriétaires qu'ils prendront leurs décisions par le moyen exclusif du vote par correspondance et qu'ils bénéficient à cette fin d'un nouveau délai pour lui transmettre leurs formulaires de vote. Ce nouveau délai ne peut être inférieur à 15 jours à compter de la réception de ce courrier.

    Dans ce cas, les décisions du syndicat de copropriétaires devront être prises au plus tard le 31 janvier 2021.

    1. La prolongation des contrats de syndic et des mandats des membres du conseil syndical

    Cette ordonnance prévoit également que les contrats de syndics ainsi que les mandats des membres du conseil syndical qui expirent ou qui ont expiré entre le 29 octobre 2020 et le 31 décembre 2020 sont prolongés jusqu'à la tenue de la prochaine assemblée générale. Cette assemblée devra impérativement avoir lieu au plus tard le 31 janvier 2021.

    Toutefois, cette prolongation automatique n'est pas applicable lorsque l'assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant le 19 novembre 2020, les membres d'un conseil syndical ou bien un syndic dont le contrat prend effet à compter du 29 octobre 2020.

    Quant à la rémunération forfaitaire du syndic, elle est déterminée selon les termes du contrat qui expire ou a expiré, au prorata de la durée de son renouvellement.

    1. Les délégations de vote

    Les dérogations prévues par l'article 22-3 de l’ordonnance n°2020-1400 sont maintenues, de même que celui des règles de cumul des mandats.

    Un mandataire peut recevoir plus de trois délégations de vote si le total des voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n'excède pas 15 % des voix du syndicat des copropriétaires (au lieu des 10 % ordinairement prévus par l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965).

    COVID-19 et loyers commerciaux : le juge des référés refuse de condamner le locataire de bonne foi au paiement des loyers du deuxième trimestre 2020Imanifestation fausse joiell y aurait contestation sérieuse !

    Par deux ordonnances du Président du Tribunal Judiciaire de Paris du 26 octobre 2020, le juge des référés a estimé qu’il n’était pas possible pour le bailleur d’agir en référé en paiement des loyers dus au titre du deuxième trimestre 2020. Le bailleur est donc invité à agir au fond, procédure plus longue que la précédente.

    Ces ordonnances nous donnent plusieurs enseignements sur l’éventail des arguments que le locataire peut avancer à son bailleur en cette période complexe pour différer le règlement du loyer :

    • Tout d’abord, les juges refusent d’appliquer la force majeure, s’agissant d’une obligation de payer une somme d’argent. La solution n’est pas nouvelle ;
    • Ensuite, le refus d’appliquer l’exception d’inexécution, au motif que le bailleur ne manque pas à son obligation de délivrance, laquelle ne peut résulter de la seule situation sanitaire.

    Le juge examine en revanche l’inexécution par le locataire de son obligation de payer les loyers au regard de l’exigence d’exécution de bonne foi du contrat, et vérifie si les circonstances n’ont pas rendu nécessaire une adaptation des modalités d’exécution des obligations respectives des parties, susceptible d’influencer leur exigibilité.

    En l’espèce, le juge a été sensible au comportement du locataire qui a entamé des démarches pour trouver une solution amiable à ses difficultés.

    Il s’agit de deux décisions particulièrement intéressantes car elles trouvent à s’appliquer à des commerces qui n’étaient pas nécessairement fermés (la salle de sport, probablement, mais sans doute pas la parapharmacie).

    En revanche, concernant le troisième trimestre 2020, le juge a condamné au paiement tout en octroyant des délais de paiement.

    Ces décisions montrent à quel point les démarches amiables ont leur importance dans l’appréciation du juge, et toute l’utilité d’un accompagnement juridique de qualité dans cette période inédite.

     

    Les rapports entre bailleur et preneur peuvent connaître de tumultueux débats lorsqu’il s’agit de savoir lequel des deux a la charge de certains travaux ou réparations sur le bien loué.

    Dans deux décisions des 28 mai et 10 septembre 2020, la troisième chambre de la Cour de cassation vient rappeler qu’à défaut de stipulation expresse contraire dans le bail commercial liant les parties, les réparations locatives ne peuvent être transférées au preneur.

    Cass. 3e Civ. 28-05-2020 n°19-10411

    Cass. 3e Civ. 10-9-2020 n° 19-10.454

     

    Personne n’ignore qu’en matière de bail commercial, « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière […] d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

    En effet, alors que certaines réparations, dites locatives ou de menu entretien demeurent à la charge du preneur, la loi attribue au bailleur la charge des grosses réparations, définies par l’article 606 du code civil comme étant celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ; celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

    Toutefois, ce cadre qui peut sembler clair en l’apparence, est mis à rude épreuve par la liberté contractuelle lorsque le contrat de bail prévoit de mettre à la charge du preneur des travaux relevant initialement des grosses réparations.

    Dans deux affaires ayant donné lieu à deux décisions des 28 mai et 10 septembre 2020, la Cour rappelle dans quelles conditions peut-on transférer au preneur la charge de travaux initialement imputables au bailleur.

    Dans la première affaire, il était question d’une SCI qui avait donné à bail professionnel à une SCP des locaux à usage de laboratoire d'analyses et de biologie médicale.

    Le bail stipulait que « le preneur sera également responsable de toutes réparations normalement à la charge du bailleur, lesquelles seront faites du consentement et sous l'autorité du bailleur mais dont le preneur en supportera la charge financière ».

    Après la résiliation du bail, la SCI bailleresse a assigné la SCP locataire en paiement de travaux de remise en état de toiture et zinguerie et de ravalement du mur du parking.

    La Cour d’appel avait condamné la SCP locataire auxdits travaux, ayant retenu qu'au regard des engagements pris par elle en application des stipulations de l'article 2 du bail, le tribunal avait à tort écarté ces travaux liés aux problèmes d'infiltration constatés par les huissiers de justice non correctement pris en charge par la société locataire et non à la seule vétusté.

    Telle n’a pas été la position de la Cour de cassation qui a considéré qu’en « statuant ainsi, alors que les travaux de réfection de la toiture et de ravalement de la façade, qui ne constituent pas des réparations locatives, incombent, sauf stipulation expresse contraire, au bailleur, la cour d'appel a violé les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1720 du code civil selon lesquels le bailleur doit faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives ». 

    La Cour de cassation vient ici rappeler que le transfert au preneur de la charge de certains travaux incombant en principe au bailleur ne peut avoir lieu qu’en présence d’une stipulation expresse contraire. En d’autres termes, le bail doit expressément prévoir les travaux et réparations mises à la charge du preneur.

    Dans la seconde affaire, plus récente, la Cour réitère sa position.

    Il était ici question de la réalisation de travaux de mise en conformité aux normes de sécurité incendie sollicitée par la mairie. Devant le refus de prise en charge de ces travaux par la bailleresse, les travaux avaient finalement été réalisés par le locataire. 

    Mais les travaux réalisés s'étant avérés insuffisants, un arrêté municipal du 14 août 2014 a ordonné la fermeture administrative de l'établissement.

    La société locataire ayant été placée en redressement judiciaire, son mandataire judiciaire a assigné le bailleur en remboursement des dépenses effectuées au titre de la mise en conformité électrique et en exécution des travaux nécessaires.

    La Cour d’appel avait considéré que le bail mettait expressément à la charge du preneur tous les travaux rendus nécessaires par l'exercice de son activité, au titre desquels sont les travaux de mise en conformité aux normes sanitaires et de sécurité.

    La Cour de cassation a cassé l’arrêt au motif qu’aucune stipulation expresse du contrat de bail ne mettait à la charge du preneur les travaux de sécurité prescrits par l’autorité administrative.

    D’un point de vue pratique, ces décisions nous rappellent que lorsqu’il est envisagé de déroger au régime de la répartition des dépenses d’entretien entre bailleur et preneur prévu par le code civil, le transfert de la charge de certains travaux au preneur, lesquels sont normalement assumés par le bailleur, ne peut avoir lieu qu’en présence d’une clause expresse.

    L’assemblée générale des copropriétaires, organe habilité à modifier le règlement de copropriété, peut reconnaître le caractère non-écrit (c’est-à-dire non conforme) d’une clause du règlement de copropriété et par voie de conséquence faire que celle-ci ne s’applique plus.

     Un copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires peut, à tout moment, faire constater l’absence de conformité de la clause de répartition des charges, qu’elle résulte du règlement de copropriété, d’un acte modificatif ultérieur ou d’une décision de l’assemblée générale.

     Plus besoin de passer devant le Juge pour cela.

    Cass. 3e Civ. 10-9-2020 n° 19-17.045 FS-PBI

     Tels sont les deux enseignements à tirer de cette affaire dans laquelle une assemblée générale de 2011 contestait, en sa résolution n°5, la légalité de la modification de l’état descriptif de division publiée le 30 mai 1984 aux motifs que la clause de répartition des quotes-parts de parties et des charges n’avait pas été préalablement approuvée par l’assemblée.

    Le propriétaire d’un des lots concernés a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de cette résolution. En défense, le syndicat des copropriétaires invoquait l’inopposabilité à son égard de l’acte du 30 mai 1984.

    La Cour d’appel a rejeté la demande du syndicat au motif que si la répartition des quotes-parts de parties communes et des charges n’avait pas été soumise à l’assemblée générale, en violation des dispositions impératives de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, elle ne peut permettre au syndicat de contester, vingt-sept ans après sa publication, l’acte modificatif du 20 mai 1984 qui contient cette répartition.

    Pour les juges de la Cour d’appel les actions personnelles dans une copropriété se prescrivent dans un délai de 10 ans et l’imprescriptibilité invoquée par le syndicat ne concerne que les demandes qui tendent à voir réputer non écrite une clause du règlement de copropriété, ce qui ne peut être effectué que par le juge.

    Cet arrêt est cassé par la Cour de cassation au visa de l’article 43 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 selon le motif que l’article précité n’interdit pas à l’assemblée générale de reconnaître le caractère non-écrit d’une clause du règlement de copropriété.

    Pour mémoire, l’article 43 de la loi susvisée prévoit que « toutes clauses contraires aux dispositions des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites. Lorsque le juge, en application de l'alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition. Cette nouvelle répartition prend effet au premier jour de l'exercice comptable suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive ».

    C’est sur le fondement de cette disposition que la Cour d’appel en a déduit que seul le juge pouvait réputer non-écrite une clause du règlement de copropriété.

    Avec cette solution, nouvelle et largement publiée, la cour de cassation répond à la négative en affirmant que le syndicat des copropriétaires n’est plus contraint de saisir le juge pour faire supprimer une clause du règlement de copropriété qui méconnaît les dispositions d’ordre public de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965. L’assemblée générale, compétente pour modifier le règlement de copropriété (cf. article 26b. de la loi 65-557 du 10 juillet 1965), a le pouvoir de déclarer non écrite une clause du règlement de copropriété, à condition toutefois de réunir une majorité suffisante.

    Partant, les hauts magistrats précisent que la non-conformité d’une clause aux dispositions de la loi 65-557 du 10 juillet 1065, qui n’est pas soumise au délai de prescription décennale de l’article, peut être relevée à tout moment par l’assemblée générale à l’instar du juge (voir déjà en ce sens : Cass. 3e civ. 7-5-2008 n° 07-13.409 FS-PB).

    De même, tout copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires peut, à tout moment, faire constater l’absence de conformité aux dispositions de l’article 10, alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 de la clause de répartition des charges, peu importe que celle-ci résulte du règlement de copropriété, d’un acte modificatif ultérieur ou d’une décision de l’assemblée générale.

    Le recours entre constructeurs ou entre un constructeur et son sous-traitant relèvent de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil.

    Une telle action, qui peut être de nature contractuelle ou quasi-délictuelle (si les constructeurs ne sont pas contractuellement liés), ne peut en aucun cas être fondée sur la garantie décennale.

    En effet, selon la Cour de cassation, « le délai de la prescription de ce recours et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil [puisque] ce texte, créé par la loi du 17 juin 2008 et figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérée dans un chapitre consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie, n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants » (3ème civ., 16 janvier 2020, n° 18-25.915).

    Partant, le délai de prescription du recours d’un constructeur contre un autre constructeur court à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

    A ce titre, il est de jurisprudence constante que « l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l’encontre des sous-traitants » (3ème Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-11.355).

    Qu’en est-il, cependant, de l’interruption et de la suspension des délais de prescription provoquées par la demande puis le prononcé en référé d’une telle mesure d’expertise in futurum ? Ces interruption et suspension, prévues aux articles 2241 et 2239 du Code civil, bénéficient-t-elles à l’ensemble des parties prenante à la construction ou au seul demandeur de la mesure ?

    Par deux arrêts rendus au cours de l’année 2019, les Hauts conseillers ont entrepris de réduire drastiquement les portées de l’interruption et de la suspension du délai de prescription en décidant, d’une part, qu’elles n’ont aucun effet erga omnes et ne peuvent donc bénéficier qu’au seul demandeur de la mesure d’expertise (2ème civ., 31 janvier 2019, n° 18-10.011) et, d’autre part, qu’elles ne s’appliquent qu’aux seules mesure d’instruction in futurum poursuivant le même « but » que la demande au fond (3ème civ., 17 octobre 2019, n° 18-19.611).

    Par un arrêt récent du 19 mars 2020, les conseillers de la 3ème chambre civile ont encore restreint le champ d’application des articles 2239 et 2241 du Code civil.

    En l’espèce, une société avait, en sa qualité de maître de l’ouvrage, confié à une autre société la réalisation de divers travaux de voiries et de réseaux au sein de la propriété des maîtres d’œuvre.

    Ces derniers, se plaignant de retards et de désordres, assignèrent en référé les constructeurs aux fins de désignation d’un expert sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.

    Une fois le rapport de ce dernier déposé, les maîtres d’œuvre conclurent une transaction d’indemnisation avec la société maître de l’ouvrage qui assigna, à son tour, la société sous-traitante en indemnisation. 

    Cette dernière, condamnée en appel, forma un pourvoi en cassation arguant du caractère tardif de son assignation, plus de 5 années s’étant écoulés depuis le prononcé de la mesure d’instruction par le juge.

    Il va de soi que la garantie décennale ne pouvait trouver application dans la mesure ou aucune réception de l’ouvrage n’était intervenue.

    Après avoir rappelé que la demande d’expertise et son accueil avaient interrompu puis suspendu le délai de prescription, les conseillers de la 3ème chambre civile firent néanmoins droit aux demandes du sous-traitant en rappelant que ces effets ne pouvaient profiter qu’aux seuls demandeurs à la mesure, en l’occurrence les maitres d’œuvre :

    «  14. En statuant ainsi, alors que l’interruption, puis la suspension de la prescription quinquennale de l’action en responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres révélés en l’absence de réception de l’ouvrage n’avaient pas profité à la société B, l’instance en référé ayant été introduite par les consorts X..., la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

    Une nouvelle fois, la Cour de cassation se montre extrêmement ferme quant à la possibilité, pour un tiers à la demande d’instruction in futurum, de se prévaloir des interruption et suspension du délai de prescription prévues par la loi.

    Une telle solution nous paraît néanmoins critiquable dans la mesure ou le point de départ du délai de prescription demeure, pour les constructeurs, celui de l’assignation en référé-expertise avant procès.

    En effet, à cet instant, les constructeurs ne peuvent connaître avec certitude ni la réalité des dommages ni l’étendue de leur responsabilité, ce que seul le rapport d’expertise permettra d’établir. Ce n’est qu’après la remise de ce dernier que les constructeurs peuvent actionner utilement les recours qui leurs sont offerts, ce qui rend opportun, de lege ferenda, l’admission de l’interruption puis de la suspension du délai de prescription à leur égard.

    En tout état de cause, on ne saurait mieux conseiller les constructeurs en leur prescrivant de se joindre à toute demande de référé-expertise formulée par un maître d’œuvre avant procès, afin de s’assurer du bénéfice des effets interruptif et suspensif de prescription.

    Dans un précédent article nous avions détaillé l’ensemble des mesures dérogatoires prises par le gouvernement pour faire face aux conséquences de l’épidémie de COVID-19 en matière immobilière (voir ci-dessous : « Etat d’urgence sanitaire : tour d’horizon des mesures dérogatoires en droit immobilier »).

    Certaines de ces règles ont récemment été modifiées et complétées par les ordonnances 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais et 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19.

    Ces modifications concernent le régime de la copropriété, les délais en matière d’autorisations d’urbanisme et, indirectement, les délais en matière de contrats immobiliers.

    En matière de copropriété

    L’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 apporte des précisions et modifications concernant le renouvellement du contrat syndic ainsi que le mandat du conseil syndical.

    1/ Concernant le contrat de syndic, la période devant être prise en compte pour permettre son  renouvellement automatique en cas d’expiration de celui-ci est augmentée d’un mois et se trouve comprise « entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délais de deux mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».

    Par ailleurs, l’assemblée générale des copropriétaires dispose désormais de huit mois à partir de la fin du confinement pour se réunir et désigner le nouveau syndic au lieu des six mois précédemment accordés.

    Enfin, des précisions sont apportées quant à la rémunération forfaitaire du syndic qui doit être « déterminée selon les termes du contrat qui expire ou a expiré, au prorata de la durée de son renouvellement […] ».

    2/ Concernant le mandat du conseil syndical, un article 22-1 est créé au sein de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et dispose que « par dérogation aux dispositions de […] la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le mandat confié par décision de l'assemblée générale aux membres du conseil syndical, qui expire ou a expiré entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de la cessation de l'état d'urgence sanitaire […], est renouvelé jusqu'à la tenue de la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette assemblée générale intervient au plus tard huit mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire […] ».

    Attention toutefois : « les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'assemblée générale des copropriétaires a désigné les membres du conseil syndical avant la publication de la présente ordonnance ».

    En matière d’autorisations d’urbanisme

    Le gouvernement semble avoir entendu les inquiétudes des professionnels de l’immobilier concernant la durée de la suspension des délais d’instruction et l’interruption des délais de recours édictées par l’ordonnance n° 2020-306 du 26 mars 2020.

    L’ordonnance du 15 avril revient donc sur ces points en proposant les deux modifications substantielles suivantes :

    1/ La suppression du mois supplémentaire suivant l’état d’urgence sanitaire pour déterminer la période juridique protégée : celle-ci correspond donc désormais à la seule période de l’état d’urgence sanitaire réduisant ainsi la durée de la suspension des autorisations d’urbanisme (soit deux mois au lieu des trois mois précédemment prévus) ;

    2/ La suspension des délais de recours à compter du 12 mars en lieu et place de leur interruption (du fait de la prorogation de la validité des autorisations d’urbanisme précédemment décidée). Ces derniers recommenceront donc à courir à la fin de l’état d’urgence sanitaire pour la durée restante au 12 mars, « sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours ».

    A noter, cependant, que, dans les deux cas, « le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'urgence sanitaire est reporté à l'achèvement de celle-ci ».

    En matière contractuelle

    Aucun texte ne dispense les parties à un contrat de leurs obligations en raison de la crise et les ordonnances susmentionnées n’influent sur les contrats immobiliers qu’à la marge (en ce qui concerne toutefois le cas particulier des baux commerciaux et professionnels, lire ci-dessous notre précédent article : « Covid-19 : mesures concernant le paiement des loyers et charges des baux commerciaux et baux professionnels »).

    En effet, en matière de délais, seuls ceux « prescrits par la loi ou le règlement » sont concernés par la suspension pendant la durée de la période d’état d’urgence sanitaire. A contrario, l’article exclut les obligations contractuelles.

    Néanmoins, il est important de souligner que l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée par l’ordonnance du 15 avril 2020 prévoit désormais expressément que cette suspension des délais n’est « pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits ». 

    Une telle disposition nous semble critiquable dans la mesure où elle remet en cause l’interprétation selon laquelle les délais de rétractation et de renonciation accordés par la loi et le règlement se trouvaient suspendus par l’effet de ces dispositions.

    Ainsi par exemple, en matière de vente immobilière,  il était raisonnable en l’absence de précision, de considérer que de tels délais étaient compris dans ceux « prescrits par la loi ou le règlement ».

    Dès lors, les parties ayant imaginé pouvoir bénéficier de la suspension du délai de rétractation en matière immobilière (article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation) ou du délai de réflexion en matière de crédit immobilier (article L. 313-34 du Code de la consommation) en seront pour leurs frais : le caractère interprétatif des modifications apportées leur confère un caractère rétroactif.

    Cependant, afin de protéger les débiteurs défaillants pendant cette période de crise, l’article 4 de l’ordonnance susmentionnée suspend le cours de certaines clauses sanctionnant l’inexécution. Ainsi, les obligations contractuelles demeurent intactes tandis que les stipulations sanctionnant le retard ou l’inexécution de la prestation dans les délais se trouvent paralysées selon certaines conditions. Il s’agit principalement des clauses pénales, clauses résolutoires et clauses prévoyant une déchéance.

    Les contrats de ventes immobilières ou de baux d’habitation sont donc concernés par cette mesure dès l’instant où les parties ont entendu se soumettre à ce type de clauses. 

    Les droits fondamentaux protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales sont fréquemment invoqués afin de justifier une atteinte au droit de propriété pourtant considéré, aux termes de l’article 544 du Code civil, comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

    Ainsi, que ce soit en matière d’occupation sans droit ni titre, en matière d’expropriation ou encore en matière d’empiètement, les droits fondamentaux protégés par la Convention sont régulièrement soulevés par les requérants qui entendent échapper à une procédure d’expulsion, d’expropriation ou de démolition.

    Il s’agit alors de démontrer que l’atteinte portée au droit de propriété est proportionnée en raison de considérations tenant à la protection d’un autre droit fondamental tel que, par exemple, le droit à la vie privée et familiale, le droit au respect des biens, au respect du domicile ou encore, en matière d’expropriation, la nécessaire préservation de l’intérêt général. 

    Toutefois, en raison du caractère absolu du droit de propriété, la réalisation d’un tel contrôle de proportionnalité est souvent extrêmement délicate.  

    Ainsi, la jurisprudence rejette systématiquement toute demande visant à justifier l’empiètement d’une construction sur la propriété d’autrui en raison de son caractère proportionné relativement à la défense d’un autre droit fondamental (Civ. 3ème, 4 juill. 2019, n° 18-17.119 ; Civ. 3ème, 21 déc. 2017, n° 16-25.406). Une seule solution est alors admise : la démolition intégrale de tout immeuble empiétant sur une parcelle voisine, même de quelques centimètres seulement (Civ. 3ème, 20 mars 2002, n° 00-16015). Seule exception à la sévérité des juges : lorsqu’une démolition partielle de la construction suffit à faire cesser l’empiètement (Civ. 3ème, 10 nov. 2016, n° 15-25.113).

    Que se passe-t-il cependant, lorsqu’une construction n’empiète pas sur un fonds voisin appartenant à un autre propriétaire, mais sur une servitude de passage qui grève la parcelle du propriétaire de l’immeuble ? 

    Telle était la situation ayant conduit les conseillers de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation à rendre un arrêt sur la question le 19 décembre 2019 (n° 18-25.113).

    Dans cette affaire, des indivisaires avaient obtenu, au profit de leur parcelle, l’attribution d’une servitude de passage grevant des terrains voisins appartenant à l’un des indivisaires et son enfant. Ces derniers ont alors entrepris de réaliser des plantations et de construire une maison d’habitation sur leur parcelle en empiétant sur l’assiette de la servitude, réduisant significativement la largeur du passage.

    Condamnés à démolir les constructions réalisées, les propriétaires du fonds servant se pourvurent en cassation, invoquant la Convention européenne des droits de l’Homme et le droit fondamental au respect de leur domicile.

    L’argument fut repris par les Hauts conseillers qui décidèrent qu’ « en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la mesure de démolition n’était pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile de Mme X... et de M. Z..., la cour d’appel n’[avait] pas donné de base légale à sa décision ; ».

    Selon la Cour, il était donc nécessaire de réaliser un contrôle de proportionnalité préalablement au prononcé de la démolition. Seul un tel contrôle aurait permis de vérifier, concrètement, que la protection du droit de passage assurée par la démolition de la construction était bien proportionnée au respect du domicile des propriétaires du fonds servant tel que garanti par l’article 8 de la Convention.

    Une telle décision ne condamne pas, en soi, le prononcé de la démolition. Elle ne constitue donc pas un blanc-seing offert aux propriétaires de fonds servants pour empiéter sur les servitudes de passage susceptibles de grever leurs parcelles.

    Elle impose toutefois une mise en balance préalable des différents droits en présence : le droit de passage des titulaires de la servitude d’une part, et le droit au respect du domicile des propriétaires du fonds servant d’autre part.

    En l’occurrence, les juridictions du fond auraient dû vérifier, par exemple, quel était le degré d’empiètement de la construction sur la servitude (le passage était-il toujours permis ou l’empiètement rendait-il son exercice trop incommode ?), voir s’il était également possible de procéder à des aménagements de nature à préserver le domicile des requérants (une démolition partielle était-elle possible ? Un déplacement de l’assiette de la servitude était-il envisageable ? etc.).

    S’agit-il, pour autant, d’un revirement de jurisprudence de nature à faire évoluer les décisions relatives à l’empiètement de constructions sur des propriétés voisines, dont la sévérité est régulièrement discutée ?

    En l’état, la réponse à cette interrogation ne peut être que négative.

    En effet, il convient de noter, d’une part, que l’empiètement ainsi réalisé ne porte pas atteinte à un fonds voisin appartenant à un propriétaire distinct. Au contraire, il diminue l’exercice d’une servitude qui grève la parcelle appartenant exclusivement aux propriétaires de la construction en cause. En d’autres termes, il ne s’agissait pas de défendre la propriété d’un tiers, mais le bénéfice d’un droit réel de servitude.

    D’autre part, la construction en cause était une maison à usage d’habitation entrant clairement dans le cadre de la protection du domicile prévu à l’article 8 de la Convention. Dès lors, il n’est pas certain que d’autres types de constructions puissent bénéficier d’une protection similaire ; le droit au domicile semblant revêtir une valeur supérieure par rapport au droit fondamental au respect des biens dont les atteintes paraissent de moindre gravité. 

    Pour faire face à l’épidémie de Covid-19, la loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 instaure un nouveau dispositif légal d’urgence sanitaire aux articles L. 3131-12 et suivants du Code de la santé publique.

    Cet état d’urgence est déclaré pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020.

    Par la loi du 23 mars 2020 le Gouvernement a également été habilité à légiférer par ordonnances pendant un délai de trois mois dans un certain nombre de domaines, dont le secteur de l’immobilier.

    Outre l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative aux loyers et baux commerciaux, qui a fait l’objet d’un précédent article (voir ci-dessous : « Covid-19 : mesures concernant le paiement des loyers et charges des baux commerciaux et baux professionnels »), plusieurs ordonnances ont permis l’édiction d’un certain nombre de règles dérogatoires en matière de copropriété, de logement, mais également d’instruction des autorisations d’urbanisme :

    En matière de copropriété

    Afin d’adapter « le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l'impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires », le Gouvernement a pris l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 dont l’article 22 dispose :

    • d’une part, qu’un renouvellement de plein droit, et dans les mêmes termes, bénéficie au contrat de syndic qui expire ou à expiré pendant la période de confinement en raison de l’impossibilité de tenir une assemblée générales de copropriétaires ;
    • d’autre part, que l’assemblée générale des copropriétaires dispose de 6 mois à partir de la fin du confinement pour se réunir et désigner le nouveau syndic.

    Toutefois, il est important de noter que ces mesures « ne sont pas applicables lorsque l'assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020 ».

    En matière de logement

    Le Gouvernement a également été autorisé à adapter « les dispositions de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, notamment pour prolonger, pour l'année 2020, le délai fixé au troisième alinéa du même article L. 115-3, et reportant la date de fin du sursis à toute mesure d'expulsion locative prévue à l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution pour cette même année ».

    Ce faisant, l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 prolonge la trêve hivernale, qui interdit l’expulsion des locataires même en cas d’impayé, jusqu’au 31 mai 2020.

    En conséquence, ce prolongement signifie également que les fournisseurs d’électricité, de gaz et de chauffage devront maintenir leurs services en cas de non-paiement pendant la même période conformément au second alinéa de l’article L. 115-3 Code de l'action sociale et des familles.

    En matière d’instruction des autorisations d’urbanisme

    L’ordonnance n° 2020-306 du 26 mars 2020 a également permis de prolonger la validité des autorisations d’urbanisme tout en suspendant les délais d’instruction et en adaptant les procédures de participation du public :

    • Premièrement, l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-306 proroge de plein droit, à compter du 12 mars 2020, la validité des autorisations d’urbanisme ou des décisions administratives jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période.

    Cette dérogation s’applique également « aux mesures conservatoires, d’enquêtes, d’instruction, de conciliations ou de médiations » ainsi qu’ « aux mesures d’interdiction ou de suspensions non prononcée à titre de sanction ».

    • Deuxièmement, l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 suspend les délais des instructions des autorisations d’urbanisme en cours au 12 mars 2020 et ce, jusqu’à la fin du mois suivant la levée de l’état d’urgence sanitaire. Ceci neutralise l’acquisition d’autorisations tacites avant cette échéance.

    Concernant les déclarations d’achèvement ou de conformité, l’article 8 de l’ordonnance prévoit spécifiquement la suspension des délais « imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature » et non expirés avant le 12 mars 2020.

    A noter toutefois que l’article 9 prévoit qu’un décret à venir devra déterminer « les catégories d'actes, de procédures et d'obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l'environnement et de protection de l'enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend ».

    • Troisièmement, enfin, l’article 12 de l’ordonnance n° 2020-306 prévoit l’adaptation des procédures d’enquête publique pendant la période en raison du confinement des populations. Ainsi, pour les enquêtes publiques en cours au 12 mars 2020 ou à venir pendant cette période, l’administration peut poursuivre l’enquête uniquement par voie électronique ou démarrer une nouvelle enquête publique entièrement dématérialisée.

    Ce n’est que dans le cas où la durée de l’enquête publique dépasserait celle de l’état d’urgence sanitaire que l’administration pourra revenir aux modalités d’enquête de droit commun.

    Quel que soit le mode de participation prévu par l’administration, « le public est informé par tout moyen compatible avec l'état d'urgence sanitaire de la décision prise ».

    L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers prévoit, en cas de défaut de paiement de loyers ou de charges locatives, pour les entreprises et les personnes physiques concernées :

    • Qu’elles ne pourront pas encourir de pénalités financières ou intérêts de retard,
    • La paralysie des effets de la clause résolutoire,
    • La paralysie des effets de la clause pénale et de toute clause prévoyant la déchéance,
    • Empêche l’activation des garanties ou cautions.

    Peuvent bénéficier de ces dispositions les personnes physiques, les TPE (occupant moins de 10 salariés et qui justifient d’un CA inférieur à 2 M €) et les entreprises qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure collective ; exerçant une activité économique particulièrement touchée par les conséquences du covid-19.

    Ces mesures s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, actuellement fixée à la date du 24 mai 2020.

    Le projet de loi prévoyait pourtant la possibilité pour le gouvernement de prévoir « de reporter ou d’étaler le paiement des loyers ». Néanmoins, aucune disposition en ce sens n’a été publiée à ce jour.

    En définitive, ces dispositions suspendent toutes pénalités que pourraient encourir les locataires concernés en cas de retard de paiement de leur loyer, sans pour autant annuler le loyer qui reste dû.

    Par un arrêt du 11 juillet 2019 n° 18-10368, la 3e chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la banque qui consent un crédit destiné à financer la construction d'une maison individuelle est tenue à une obligation d'information et de conseil.

    Dans ce cadre, il lui appartient de vérifier la qualification juridique de l'opération envisagée et de procéder à un contrôle formel du montage contractuel qui lui est présenté dans le cadre du dossier de demande de prêt. 

    Cette décision s’inscrit dans le courant de la jurisprudence de ces quinze dernières années, protectrice des intérêts du maître d’ouvrage qui recourt au crédit pour financer son projet.

    En effet, s’il a été admis que l'article L. 231-10 ne met pas à la charge du banquier une obligation de requalification du contrat soumis à son analyse (Com. 9 juill. 2002, n° 99-15.650), il lui appartient néanmoins de « déterminer avec son client, dépourvu de connaissances juridiques, le cadre contractuel du projet », sur le fondement de son obligation de renseignement et de conseil (Civ. 3e, 17 nov. 2004, n° 03-16.305 ; Civ. 3e, 11 janv. 2012, n° 10-19.714).

    En l’espèce, la Cour de cassation a estimé au regard des pièces transmises par le maître d’ouvrage à l’établissement prêteur que ce dernier « avait pu légitimement penser que ses clients s'étaient adressés à un architecte et à deux entreprises avec lesquelles ils avaient conclu des marchés de travaux et qu'il ne s'agissait pas d'un contrat de construction de maison individuelle ».

    Les conditions d'application des articles L. 231-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation n'étant pas remplies en raison de l’intervention d’un architecte et de deux entrepreneurs, la Cour de cassation a ainsi estimé que la banque n’avait pas failli dans son devoir d’information et de conseil.