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    lundi, 27 juin 2022 11:58

    Que faire en cas de désaccord avec l'ABF sur la visibilité du monument historique ?

    Écrit par

    Mich AH2226 Monument web

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Dans les abords d'un monument historique, un refus de permis de construire faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France doit, avant d'être contesté devant le juge, faire l'objet d'un recours préalable devant le préfet de région. Il en va de même lorsque la situation du projet dans ces abords qui est contestée par le demandeur, a jugé la cour administrative d’appel de Lyon.

    La protection des abords des monuments historiques s’applique dans les conditions fixées à l’article L. 621-30 du code du patrimoine :

    « I. – Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords.

    La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.

    II. – La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.

    En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci.

    La protection au titre des abords s'applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement protégé.

    La protection au titre des abords n'est pas applicable aux immeubles ou parties d'immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable classé en application des articles L. 631-1 et L. 631-2 (…) ».

    Dans ces abords, la délivrance d’un permis de construire est en principe subordonnée à l’accord de l’architecte de bâtiments de France :

    « Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord ou, pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France » (article R. 423-54 du code de l’urbanisme).

    Si les abords sont à présent définis par un périmètre délimité au cas par cas, institué par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, nombreux sont les monuments relevant encore de l’ancienne règle des 500 mètres, applicable en l’absence d’un tel périmètre délimité.

    En dehors de ces abords, l’avis de l’ABF est facultatif. Toutefois, c’est à lui seul, sous le contrôle du juge, de déterminer si un monument situé à moins de 500 mètres du projet est ou non visible :

    « Lorsqu'une demande d'autorisation est présentée en vue d'édifier une construction sur un terrain situé à moins de 500 mètres d'un bâtiment inscrit à l'inventaire des monuments historiques, elle doit, pour l'application de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 modifiée par la loi du 30 décembre 1966, être soumise à l'avis de l'administration chargée de la protection des monuments historiques aux fins, notamment, de déterminer si la construction en cause se trouverait ou non dans le champ de visibilité de ce monument » (CE, 14 avril 1976, n° 97807) ;

     « Considérant que c'est à l'architecte des bâtiments de France qu'il appartient d'apprécier, sous le contrôle du juge, si un immeuble implanté à moins de 500 m d'un immeuble classé est ou non situé dans le champ de visibilité de ce dernier ; que par suite, pour l'application de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, toute la zone située à moins de 500 m d'un immeuble classé doit être regardée comme faisant l'objet d'une protection particulière au titre des monuments historiques, en sorte que le dossier joint à la demande de tout permis de construire dans cette zone doit comprendre une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet » (CE, 12 mars 2007, n° 275287).

    Quels que soient les moyens sur lesquels le recours est fondé, le pétitionnaire n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans un secteur sauvegardé ou dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France s'il n'a pas, préalablement, saisi le préfet de région, selon la procédure spécifique définie à l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme (CE, 12 février 2014, n° 359343), qui dispose :

    « Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. Le demandeur précise lors de sa saisine s'il souhaite faire appel à un médiateur désigné dans les conditions prévues au III de l'article L. 632-2 du code du patrimoine. Dans ce cas, le préfet de région saisit le médiateur qui transmet son avis dans le délai d'un mois à compter de cette saisine (…) ».

    Par un arrêt du 22 février 2022, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que cette saisine préalable est obligatoire, à peine d’irrecevabilité du recours formé devant le juge, même pour contester la situation du projet dans les abords du monument, au motif par exemple que le second ne serait pas visible depuis le premier :

    « 7. Il ressort des pièces du dossier que l'architecte des Bâtiments de France, consulté au titre de la protection de abords de l'église Saint-Jean-Baptiste de Megève, qui a été inscrite en octobre 1988 à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, a rendu le 11 juin 2020 trois avis défavorables aux projets de M. B.... Contrairement à ce que soutient ce dernier, il ressort sans ambiguïté de ces avis, qui ont été communiqués régulièrement au pétitionnaire, que l'architecte des Bâtiments de France, qui a cité les textes applicables, précisé que l'immeuble était dans le champ de visibilité du monument historique, indiqué ne pas donner son accord au projet et mentionné les voies et délais de recours contre ces avis, a rendu un avis conforme négatif. Le maire de Megève ayant visé dans les arrêtés en litige l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, indiqué que selon cet avis le projet était susceptible d'affecter les abords de ce monument, et relevé l'atteinte que le projet était susceptible de porter à la conservation ou à la mise en valeur des abords de l'église Saint-Jean-Baptiste s'est fondé sur ces avis pour rejeter les demandes, sans que l'intimé puisse utilement faire état des indications erronées fournies ultérieurement par la commune de Megève en première instance. Si M. B... soutient par ailleurs que le projet, situé à moins de cinq cents mètres de l'église Saint-Jean-Baptiste, ne serait pas en situation de covisibilité avec cet édifice, et que l'avis rendu ne pouvait de ce fait pas être un avis conforme, il lui appartenait de contester cette appréciation à l'occasion du recours préalable obligatoire devant le préfet de région. Dans ces conditions, M. B... n'était pas recevable à former un recours contre les refus de permis de construire sans avoir préalablement saisi le préfet de région d'un recours contre les avis de l'architecte des Bâtiments de France. Par suite, les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble étaient irrecevables » (CAA de Lyon, 22 février 2022, n° 21LY02757).

    A la différence de son rapporteur public et d’un précédent arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Marseille, la cour administrative d’appel n’a pas examiné au fond la question de cette covisibilité, et fait entrer cet examen dans le champ du recours préalable devant le préfet de région, quand bien même, à l’issu de cet examen, l’immeuble se trouverait exclu des abords du monument du fait de l’absence de visibilité avec le monument.

    C’est donc l’entièreté de l’appréciation portée par l’ABF, y compris celle de cette visibilité, qui est soumise à ce recours préalable obligatoire, sans lequel le juge ne peut rendre à l’avis son vrai visage, en l’occurrence un avis simple lorsque l’ABF se méprend sur cette visibilité.