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    vendredi, 03 septembre 2021 10:00

    Illégalité des accords-cadres sans maximum de quantité et/ou de valeur

    Écrit par Me Victoria Azkoul

    Michilus AH2135 Accord cadre JPG

    Crédit dessin: Michel Szlazak

    Dans un arrêt en date du 17 juin 2021, la Cour de Justice de l’Union européenne (la « CJUE ») a jugé que la valeur maximale d’un accord-cadre à bons de commande doit obligatoirement être indiquée par l’acheteur dans l’avis de marché ou dans les documents de la consultation :

    « 62 En effet, les principes de transparence et d’égalité de traitement des opérateurs économiques intéressés par la conclusion de l’accord-cadre, énoncés notamment à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, seraient affectés si le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre n’indiquait pas la valeur ou la quantité maximale sur laquelle porte un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, point 64).

    63 À cet égard, l’indication par le pouvoir adjudicateur de la quantité et/ou de la valeur estimée ainsi que d’une quantité et/ou d’une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre revêt une importance considérable pour un soumissionnaire, dès lors que c’est sur la base de cette estimation que celui-ci sera en mesure d’apprécier sa capacité à exécuter les obligations découlant de cet accord-cadre. » (CJUE, 17 juin 2021, Simonsen & Weel A/S, aff. C-23/20).

    Début juillet, prenant acte de la jurisprudence de l’Union, la direction des affaires juridiques de Bercy avait alors annoncé la modification prochaine de la règlementation française :

    « Cet arrêt entraîne des conséquences sur le droit national et notamment les règles figurant aux articles R. 2121-8 et R.2162-4 du code de la commande publique qui seront prochainement modifiés afin de tirer les conséquences de la position du juge européen. » (Communiqué sur le site de la DAJ du ministère de l’économie et des finances).

    C’est dans ce cadre qu’a été publié le décret n° 2021-1111 du 23 août dernier : il supprime la possibilité de conclure des accords-cadres sans maximum de quantité et/ou de valeur estimée :

    Ainsi, depuis le 26 août dernier, l’article R. 2162-4 du code de la commande publique dispose :

    « Les accords-cadres peuvent être conclus :

    1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;

    2° Soit avec seulement un maximum en valeur ou en quantité. »

    Ces nouvelles dispositions obligent donc les acheteurs à indiquer, dans les avis d’appel publics à la concurrence ou les documents de la consultation relatifs aux accords-cadres, la quantité ou la valeur maximale des prestations commandées en exécution de ce contrat.

    Aux termes de l’article 31 du décret susvisé, ces dispositions « s'appliquent aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2022. »

    Pour autant, le juge applique dès à présent la jurisprudence européenne :

    « La Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire précitée, saisie d’une question préjudicielle par la commission de recours en matière de marchés publics du Danemark, a dit pour droit, au vu des articles 18, 33 et 49 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, qu’un accord-cadre devait indiquer dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges une valeur ou une quantité maximale pour la durée de l’accord-cadre ainsi que pour chacun de ses lots » (TA Bordeaux, 23 août 2021, n° 2103959).

    Dès lors que « ni l’avis de marché, dont la rubrique II.2 6) n’est pas remplie, ni le cahier des clauses techniques particulières ni aucune autre pièce du marché ne mentionnent la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n°1 de l’accord-cadre en litige », le Juge considère que « alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’évaluation de cette valeur maximale, y compris approximative, ne serait pas possible, la procédure de passation de l’accord-cadre relative au lot n°1 ici en litige, compte tenu du manquement ainsi relevé, doit être annulée, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la requête » (TA Bordeaux, 23 août 2021, n° 2103959).