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    jeudi, 02 avril 2020 08:28

    Etat d’urgence sanitaire : tour d’horizon des mesures dérogatoires en droit immobilier

    Écrit par Marina Collin & Alexandre Ferracci

    Pour faire face à l’épidémie de Covid-19, la loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 instaure un nouveau dispositif légal d’urgence sanitaire aux articles L. 3131-12 et suivants du Code de la santé publique.

    Cet état d’urgence est déclaré pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020.

    Par la loi du 23 mars 2020 le Gouvernement a également été habilité à légiférer par ordonnances pendant un délai de trois mois dans un certain nombre de domaines, dont le secteur de l’immobilier.

    Outre l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative aux loyers et baux commerciaux, qui a fait l’objet d’un précédent article (voir ci-dessous : « Covid-19 : mesures concernant le paiement des loyers et charges des baux commerciaux et baux professionnels »), plusieurs ordonnances ont permis l’édiction d’un certain nombre de règles dérogatoires en matière de copropriété, de logement, mais également d’instruction des autorisations d’urbanisme :

    En matière de copropriété

    Afin d’adapter « le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l'impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires », le Gouvernement a pris l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 dont l’article 22 dispose :

    • d’une part, qu’un renouvellement de plein droit, et dans les mêmes termes, bénéficie au contrat de syndic qui expire ou à expiré pendant la période de confinement en raison de l’impossibilité de tenir une assemblée générales de copropriétaires ;
    • d’autre part, que l’assemblée générale des copropriétaires dispose de 6 mois à partir de la fin du confinement pour se réunir et désigner le nouveau syndic.

    Toutefois, il est important de noter que ces mesures « ne sont pas applicables lorsque l'assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020 ».

    En matière de logement

    Le Gouvernement a également été autorisé à adapter « les dispositions de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, notamment pour prolonger, pour l'année 2020, le délai fixé au troisième alinéa du même article L. 115-3, et reportant la date de fin du sursis à toute mesure d'expulsion locative prévue à l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution pour cette même année ».

    Ce faisant, l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 prolonge la trêve hivernale, qui interdit l’expulsion des locataires même en cas d’impayé, jusqu’au 31 mai 2020.

    En conséquence, ce prolongement signifie également que les fournisseurs d’électricité, de gaz et de chauffage devront maintenir leurs services en cas de non-paiement pendant la même période conformément au second alinéa de l’article L. 115-3 Code de l'action sociale et des familles.

    En matière d’instruction des autorisations d’urbanisme

    L’ordonnance n° 2020-306 du 26 mars 2020 a également permis de prolonger la validité des autorisations d’urbanisme tout en suspendant les délais d’instruction et en adaptant les procédures de participation du public :

    • Premièrement, l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-306 proroge de plein droit, à compter du 12 mars 2020, la validité des autorisations d’urbanisme ou des décisions administratives jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période.

    Cette dérogation s’applique également « aux mesures conservatoires, d’enquêtes, d’instruction, de conciliations ou de médiations » ainsi qu’ « aux mesures d’interdiction ou de suspensions non prononcée à titre de sanction ».

    • Deuxièmement, l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 suspend les délais des instructions des autorisations d’urbanisme en cours au 12 mars 2020 et ce, jusqu’à la fin du mois suivant la levée de l’état d’urgence sanitaire. Ceci neutralise l’acquisition d’autorisations tacites avant cette échéance.

    Concernant les déclarations d’achèvement ou de conformité, l’article 8 de l’ordonnance prévoit spécifiquement la suspension des délais « imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature » et non expirés avant le 12 mars 2020.

    A noter toutefois que l’article 9 prévoit qu’un décret à venir devra déterminer « les catégories d'actes, de procédures et d'obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l'environnement et de protection de l'enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend ».

    • Troisièmement, enfin, l’article 12 de l’ordonnance n° 2020-306 prévoit l’adaptation des procédures d’enquête publique pendant la période en raison du confinement des populations. Ainsi, pour les enquêtes publiques en cours au 12 mars 2020 ou à venir pendant cette période, l’administration peut poursuivre l’enquête uniquement par voie électronique ou démarrer une nouvelle enquête publique entièrement dématérialisée.

    Ce n’est que dans le cas où la durée de l’enquête publique dépasserait celle de l’état d’urgence sanitaire que l’administration pourra revenir aux modalités d’enquête de droit commun.

    Quel que soit le mode de participation prévu par l’administration, « le public est informé par tout moyen compatible avec l'état d'urgence sanitaire de la décision prise ».