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    jeudi, 12 décembre 2013 12:53

    DANS QUELLES CONDITIONS LE DÉLAI DE SUSPENSION DE LA SIGNATURE DU MARCHÉ COMMENCE-T-IL DE COURIR ?

    Écrit par Joseph Andreani

    fileCE, 11 décembre 2013, société Antillaise de sécurité, n° 372214 :
    " Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le marché litigieux a été attribué au terme d'une procédure adaptée et que le grand port maritime de la Martinique n'était, par suite, soumis à aucune obligation de respect d'un délai minimal entre la notification de la décision d'attribution et la signature du contrat ".

    CE, 18 décembre 2012, Métropole Nice-Côte d'Azur, n° 363342 :
    " Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la métropole Nice Côte d'Azur a lancé un appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché public de services ayant pour objet l'exploitation de la station d'épuration de Cagnes-sur-Mer ; que, par une télécopie datée du 10 août 2012, la société Serex a été informée du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Compagnie des Eaux et de l'Ozone ; que, par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice le 21 août 2012, la société Serex a saisi le juge du référé précontractuel d'une demande d'annulation de la procédure de passation du marché litigieux, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ; que, la métropole Nice Côte d'Azur ayant fait état, dans son mémoire en défense enregistré le 28 août 2012 au greffe du tribunal, de la signature du contrat dès le 21 août 2012, la société Serex a alors demandé à ce juge l'annulation du contrat, sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative relatives au référé contractuel ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a annulé le marché à compter du 1er janvier 2013 ;
    5. Considérant qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait du dossier qui lui était soumis que cette notification mentionnait, outre le délai de suspension de la signature du marché, le classement de l'offre de la société Serex en deuxième position, les notes qui lui avaient été attribuées et celles qu'avait reçues l'offre retenue, inférieure à la sienne pour le critère du prix mais supérieure pour le critère de la valeur technique, de sorte que les motifs de rejet de l'offre de la société Serex et de choix de l'attributaire se déduisaient nécessairement des termes de cette notification, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a dénaturé les pièces du dossier ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la métropole Nice Côte d'Azur est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ".
    Aux termes des législations communautaire et nationale des marchés publics, un candidat évincé à la conclusion d'un marché public doit être mis en mesure d'apprécier l'opportunité d'introduire un recours contentieux à l'encontre d'une décision d'attribution. L'introduction d'un référé précontractuel prévu à l'article L. 551-1 du code de justice administrative n'est toutefois possible que si le contrat n'est pas encore signé avec l'attributaire. Aussi, ces législations ont aménagé un délai de suspension de la signature du marché, dit " délai de standstill ".
    Les directives 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989 et 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 prévoient que :
    * Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l'objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit ;
    * La conclusion du contrat qui suit la décision d'attribution d'un marché ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai à compter du lendemain du jour où la décision d'attribution du marché a été envoyée aux soumissionnaires ; la décision d'attribution est communiquée à chaque soumissionnaire, accompagnée d'un exposé synthétique des motifs pertinents et d'une mention précise de la durée exacte du délai de suspension applicable ;
    * Le pouvoir adjudicateur communique dans les meilleurs délais à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre, et à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom de l'adjudicataire ;
    * Lorsqu'un État membre prévoit que tout recours contre une décision d'un pouvoir adjudicateur prise dans le cadre d'une procédure de passation de marché doit être formé avant l'expiration d'un délai déterminé, ce délai est égal à dix jours calendaires au moins à compter du lendemain du jour où la décision du pouvoir adjudicateur est envoyée au soumissionnaire ou au candidat si un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé ; la décision du pouvoir adjudicateur est communiquée à chaque soumissionnaire accompagnée d'un exposé synthétique des motifs pertinents.
    L'article 80 du code des marchés publics prévoit notamment que :
    * Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, le pouvoir adjudicateur, dès qu'il a fait son choix pour une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet ;
    * Cette notification précise le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre ;
    * Un délai d'au moins seize jours est respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux alinéas précédents et la date de conclusion du marché, ce délai étant réduit à au moins onze jours en cas de transmission électronique de la notification à l'ensemble des candidats intéressés ;
    * La notification de l'attribution du marché comporte l'indication de la durée du délai de suspension que le pouvoir adjudicateur s'impose.
    L'article 83 du même code fait obligation au pouvoir adjudicateur de communiquer à tout candidat écarté qui n'a pas été destinataire de la notification mentionnée ci-dessus les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre dans les quinze jours de la réception d'une demande écrite à cette fin.
    De même, si le candidat a vu son offre écartée alors qu'elle n'était aux termes de l'article 35 de ce code ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, le pouvoir adjudicateur est en outre tenu de lui communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché.
    Selon la cour de justice de l'union européenne, " le délai pour former un recours tendant à constater la violation des règles de passation des marchés publics ou à obtenir des dommages-intérêts pour la violation de ces règles court à partir de la date à laquelle le requérant a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de cette violation " (CJUE, 28 janvier 2010, n° C-406/08).
    Le degré de précision des motifs pertinents du rejet de l'offre et du choix de l'attributaire a été précisé par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 18 décembre 2012 : les seules indications du délai de suspension de la signature du marché, du classement de l'offre, les notes qui lui ont été attribuées et celles de l'offre retenue sont suffisantes et sont de nature à faire courir ce délai de suspension.
    Le juge des référés du tribunal administratif de Nice avait considéré, dans l'ordonnance ainsi déférée au Conseil d'Etat, que ces indications étaient en l'espèce insuffisantes à l'effet de faire courir ce délai car elles ne mettaient pas le soumissionnaire en mesure d'avoir connaissance d'un manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
    Le Conseil d'Etat confirme également, dans son arrêt du 11 décembre 2013, que le délai de standstill n'est pas applicable en procédure adaptée.
    Reste également la possibilité, offerte au concurrent évincé qui a laissé passer le délai de standstill, d'introduire un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires (CE, Ass., 16 mai 2007, société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545), ou, en cas de notification irrégulière des motifs du rejet de l'offre, d'un référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative.